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« Construire les projets sur le terrain »

By 17 mars 2014mars 25th, 2014point de vue
Texte écrit par le Collectif Etc et publié dans la revue Anthos dans le premier cahier de 2014 : « Le paysage des grands ensembles ».
 
Article Anhos - couverture
 

La rénovation urbaine en question

Le Collectif Etc, que nous avons formé il y trois ans, a eu l’occasion de travailler et d’habiter dans des quartiers de grands ensembles à Marseille, à Reims, à Rennes, à Bordeaux ou encore à Strasbourg. Dans chacun d’eux, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) travaille à sa mission : « réinsérer » les quartiers dans la ville, « créer » de la mixité sociale et « introduire » des diversités de fonctions. Les locataires déjà en place ne sont pas vraiment inclus dans la démarche de projet, mais l’objectif est d’améliorer leur condition de vie.

Ici on a construit une nouvelle ligne de tramway, là on profite des nouveaux commerces de proximité : certaines choses marchent vraiment bien. Les immeubles le long de la voie de tramway sont rénovés en premier. On a amélioré l’enveloppe thermique et recomposé la façade. On a fait au plus simple à l’intérieur, sans parfois même y toucher. Les immeubles les plus reculés attendent toujours, quelques fois menacés de destruction. Dans ces immeubles-là, les façades fatiguent, les fenêtres laissent rentrer le froid et les halls ne sont plus vraiment accueillants. Quant aux bailleurs, ils continuent de percevoir les loyers et semblent attendre la confirmation des financements de l’ANRU2 pour lancer la suite.

Le format de financement de l’ANRU tel qu’il a été pensé ne concerne que le bâti. En réponse à la crise des banlieues de l’automne 2005, l’État crée l’Acsé1. Cette structure est considérée comme le pendant social de l’ANRU et les deux guichets tentent d’avancer main dans la main. Malheureusement, les projets d’aménagement se font souvent d’un côté et les projets humains de l’autre. Et en tentant de ménager les habitants et leur habitation séparément, il arrive qu’ils se heurtent à des incompréhensions.

Le territoire du réel

C’est vrai, le taux de chômage est élevé2, le réseau de drogue détourne beaucoup de jeunes du quartier3, les médias continuent à charger une image déjà trop stigmatisée4 : rares sont les optimistes. Mais derrière des problèmes qui stagnent et qui occupent les esprits, il y a le terrain et les gens qui vivent ici. On se connaît, l’ambiance est plus proche de celle des villages que des quartiers anonymes de centre-ville. Les communautés s’organisent, les différentes cultures cohabitent et se mélangent parfois. L’organisation du quartier facilite les rencontres alors on parle, on se connaît, on s’accepte. Les acteurs de l’éducation et de l’action sociale se mobilisent et se réinventent au quotidien pour avancer.

Tenus à l’écart des grandes décisions liées à la rénovation urbaine, les acteurs clefs du quartier observent les erreurs qu’ils auraient pu contribuer à prévoir et en payent les conséquences au quotidien. C’est le territoire du réel, du concret, on se sent loin des décisions et de ceux qui les prennent.

Construire les projets sur le terrain

Toutefois, il existe un prise de conscience générale des limites de ces types de projets, en témoigne le récent rapport commandité par le ministre délégué à la ville5. Des initiatives émergent, et tentent de poser la question d’agir de manière inclusive dans ces territoires. Les projets réalisés menés avec le Collectif Etc s’inscrivent dans cette recherche de nouvelles méthodologies d’actions. Tout en étant d’échelles variables, ils ont en commun de proposer des transformations optimistes de l’espace public, des dispositifs de discussion sur l’histoire et l’avenir du quartier, basés sur des partenariats avec les structures locales.

Nous sommes toujours bien accueillis sur le terrain, comme si le fait de construire ensemble, simplement, pour une cause commune, était un sujet universel. Tous les publics ne cohabitent pas sur les chantiers mais à leur façon, à leur mesure, ils nous encouragent et participent à la dynamique. Les nouveaux usages prennent vite place, ils s’entretiennent et se racontent.

On constate très peu de dégradations sur ces structures temporaires, à priori fragiles. On prend toujours plus soin des choses quand on les a vu se fabriquer, encore plus quand on y a participé. Les habitants et les travailleurs des quartiers sont les meilleurs et les seuls ambassadeurs possibles pour la réussite de la mission de l’ANRU. Derrière l’actuel sentiment d’impuissance se cache une réelle volonté d’agir et de prendre part aux débats. Les urbanistes, les architectes, les paysagistes doivent penser leurs projets de façon plus inclusive, plus incrémentale, pour laisser le temps à chacun de se les approprier et d’en devenir acteur. De leur côté, les maîtrises d’ouvrage et les élus doivent apprendre à valoriser l’expérience de terrain et la capacité créative de chacun en amont des projets. Ils doivent apprendre à faire confiance aux acteurs locaux sur leur capacité à décider des améliorations de leur cadre de vie.

1 Acsé : Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances : « vise à renforcer l’efficacité de l’action de l’État en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, de l’intégration des personnes immigrées et issues de l’immigration et de la lutte contre les discriminations. »

2 ONZUS, Rapport « Ce taux de chômage en Zus n’a ainsi pas cessé de progresser depuis 2008 sous l’effet de la crise économique pour s’établir à 24,2% en 2012 « , 2013

ALOUTI F. A Marseille, des citoyens s’organisent pour comprendre le mécanisme du trafic de drogue, mensuel les Inrocks, publié le 27 septembre 2013

4 MASSON S., L’indépassable stigmatisation des banlieues, quotidien l’Humanité, 22 juillet 2010

5 BACQUÉ M-H., MECHMACH M., Pour une réforme radicale de la politique de la Ville – Ça ne se fera plus sans nous – Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, juillet 2013

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