En octobre dernier, nous avons retrouvé nos amis du Maquis dans le quartier Saint-Joseph, place Appy, à Apt dans le Lubéron. Dans la lignée de leurs actions à Cavaillon, ils mènent un travail de terrain dans cette cité à l’allure calme et endormie. Avec le centre social Maison Bonhomme ils commencent à questionner le quartier et ses habitants pour y encourager les dynamiques locales et collectives de mieux vivre ensemble.
Nous prenons le parti d’accompagner leur action dès le début, par un chantier afin de mettre un peu les pieds dans le plat et les mains dans le cambouis. Agir pour faire réagir et se rencontrer.
ATELIER CARTO ET PORTEUR DE PAROLE
Un samedi matin nous les rejoignons et organisons un atelier de cartographie sensible pour comprendre les pratiques quotidiennes des habitant·e·s et leurs envies de transformations dans le quartier. Nous recueillons les paroles des passant·e·s qui rentrent du marché. Les regards sont d’abord un peu fuyants puis petit à petit les langues se délient, les discussions vont bon train, notamment de la part des ados qui habitent la place.
APPY TOGETHER
Deux lieux sont majoritairement pointés du doigt : la place centrale Place Appy, manquant cruellement de mobiliers urbains et la « maisonnette », petit abri situé de l’autre côté de la route. « Avant il y avait des bancs, mais on nous les a enlevés ». On comprend assez rapidement que cet endroit pourrait être le lieu de rencontre des ados, n’en déplaise à certains riverains, qui se plaignent du bruit. Les jeunes sont énervés, ils n’ont pas le droit de jouer au foot sur la place en revanche – absurdité exacerbée – ils peuvent jouer sur la route !
La place semble être une caisse de résonance allant à l’encontre des effusions de la jeunesse. « On se rencontre peu, il n’y a pas de bancs, ni d’arbre de toute façon ». L’ambiance générale ne semble pas être très conviviale. On peut lire sur le sol de la place les traces des arbres et des bancs qui ont progressivement été supprimés plutôt que remplacés.
L’envie d’égayer un peu en apportant de la couleur et des jeux pour les plus jeunes se fait aussi ressentir.
Depuis la Lorraine où nous sommes en chantier, nous croquons quelques images pour proposer des principes d’intervention aux élus et aux services de la ville qui doivent valider le projet. Rien de figé à se stade. On décide de se concentrer autour de l’axe reliant la place à la maisonnette, quelques mobiliers avec des formes non définies, potentiellement praticables, bancs, transats, tables et bacs à fleurs s’articulent autour d’une intervention graphique au sol intégrant différents jeux.
Au vu de l’importance que prend le sujet, on constitue une champion’s team de graphistes pour nous accompagner dans l’aventure : Pola Noury, avec qui nous venons à peine de collaborer à Val de Briey, Mathias Isouard et Kathialyn Borissoff, plasticiens fraîchement installés à Lauris.
Des jeux et des couleurs
Dès le premier jour (mercredi), de nombreux enfants et ados viennent nous prêter main forte. Ça trace, ça scotche, ça coupe, ça visse, ça ponce. À peine tracées, à peine montées, les structures sont testées en live, et ça marche du feu de dieu. Les petits s’en donnent à cœur joie, et nous donnent du baume au cœur. Le lendemain l’ambiance est un peu refroidie au passage de l’élue en charge du projet. Avec toute cette belle énergie et le temps qui presse (seulement trois jours sur place), on en a oublié de communiquer entre nous, et c’est allé plutôt vite. La nuance entre les croquis d’intention et la réalisation peut surprendre mais dans le fond il n’y a pas de désaccord sur le projet, plutôt une frustration de ne pas avoir suivi les avancées de concert.
Le chantier reprend tranquillement, avec quelques réserves cependant sur l’emploi des couleurs au sol.
Dans la trame graphique reliant les deux extrémités de la place on retrouve un terrain de jeu, un twister, une marelle, des pistes de course et une anamorphose. C’est finalement sous la maisonnette que la couleur a fini par reprendre ses droits. La fresque en tapis coloré, en plus du terrain de jeu qu’elle offre, a fait un beau cadeau à déballer pour l’inauguration. C’est aussi ici que les ados ont pris l’initiative de repeindre les poteaux de la maisonnette. Un dérapage à peine contrôlé !
Voisins vigilants
En installant les nouveaux mobiliers nous avons pu rencontrer quelques voisins plus dubitatifs sur le projet. Ils savent que les usages générés vont certainement engendrer un peu de bruit. Pendant des années ils ont demandé à la Mairie de retirer les mobiliers en place car ils généraient trop de nuisances, alors forcément ils ont du mal à entendre. On essaie de les convaincre que cette fois peut être que ce sera différent. On espère ne pas trop leur mentir mais on préfère rester optimiste. En tout cas l’ambiance perçue ces quelques jours sur place nous semble plutôt engageante.
Après trois jours express, le chantier se clôture par un petit apéritif au coucher du soleil : jus de pommes glanées, pain perdu préparé avec les jeunes sur la cuisine mobile du Maquis, gâteaux apportés par les habitants. On en profite pour réparer le banc du coin, et en faire un dernier avec la dernière planche qu’il nous reste.
On verra bien où cette histoire nous mène.
Et voilà le travail. Quelques images d’ambiance de la fin de chantier. Vidéos et photos par Pierre Lambert que l’on remercie. Et merci à tous les autres, les jeunes du quartier, nos amis du maquis, Pola, Kathialyn, Mathias et les autres.