Pour préfigurer la piétonnisation à venir de la rue Pépin à Montreuil dans le cadre du projet Le Grand Chemin, nous avons mené une action pilote avec Cuesta, coopérative d’urbanisme culturel. Le fil rouge du travail du bois nous a guidé à travers une démarche participative impliquant les lycéen.nes et riverain.es. De la forêt de Bondy jusqu’à la construction du mobilier en passant par l’équarrissage à la hache, nous avons souhaité sensibiliser à l’usage quotidien d’un matériau qui pose des questions écologiques et politiques. Un projet où le processus artistique et participatif s’est mêlé à l’initiation à des savoirs faires traditionnels pour amener de la convivialité et une qualité d’usage à un espace public fréquenté quotidiennement par les montreuillois.es.
Avec la coopérative d’urbanisme culturel Cuesta, la paysagiste et plasticienne Clémence Mathieu et Emmanuelle Blondeau de l’agence TER.
Merci à l’association Des arbres et des hommes (Rennes), au Charpentier Volant et au Café La Pêche pour leur soutien.
1/3 – Matériau
>>> Récits et enquêtes autour de la filière bois francilienne avec les lycéen.nes.
Construire en bois pose tout un tas de questions, nous avons donc mené l’enquête avec les lycéen.nes en les emmenant dans la forêt de Bondy, à la rencontre d’exploitants forestiers, de charpentier.ères.
Pour accompagner les premiers ateliers avec les lycéens nous avions préparé différents supports de médiation afin de faire découvrir l’univers de la forêt et de la sylviculture, du travail du bois à la main… en bref pour inciter à se demander comment on passe d’un arbre à un objet construit du quotidien (une maison, un banc) ?
Après une visite de la forêt de Bondy rondement mené par un employé de l’ONF en charge de la gestion des forêts de Seine-Saint-Denis, nous avons poursuivi la balade (attention à la boue) accompagné.es de cartes magic spécialement préparées pour l’occasion. Distribuées dans le bus qui nous emmenait jusqu’à la forêt, les personnages étranges et fantastiques ont éveillé la curiosité. Certain.es se sont vu ravi.es d’avoir été désigné.e « Gardien défenseur (activiste pour la protection de la forêt, membre des soulèvements de la terre) » et d’autre un peu moins après avoir découvert leur carte « Evil Ikea (vendeur de meubles préfabriqué de basse qualité mais pas cher) ». Chaque lycéen.nes a incarné son personnage de carte magic pendant un débat mouvant dans la clairière de Bondy où nous avons posé de grandes questions : Une forêt naturelle, ça existe ? Le bois, c’est écologique ?
L’hypothèse d’une filière de feuillus franciliens a été le point de départ d’une sensibilisation aux enjeux écologiques et une découverte des métiers de la filière, de la conception et du chantier. Une exposition des métiers et une bibliothèque mobile nous ont accompagnés durant tout le chantier.
photo de l’expo/transat
2/3 – Process
>>> Formation à l’équarrissage à la hache et chantier participatif.
Équarrir à la hache nous a permis de faire du chantier un moment de pédagogie. Pourquoi utilise-t-on en bois de chauffage des chênes avec lesquels on faisait avant des charpentes multiséculaires ? Pourquoi la charpente de Notre-Dame de Paris a-t-elle été équarrie à la hache ? Pourquoi des artisan.nes recherchent ce contact épanouissant de cet outil et des gestes qu’il impose ? Après les enquêtes, les lycéen.nes ont pu s’essayer à cette technique et nous avons pu leur donner des pistes de réponses en les sensibilisant au travail et à l’intérêt possible des métiers d’artisans, notamment en charpente.
Nous avons organisé une formation avec plusieurs intervenant.es, dont notamment Florent de l’association des Hommes et des Arbres (Rennes) qui nous a formé et accompagné durant le chantier du mois de mai et le Charpentier Volant qui a pris le relais sur la deuxième partie. Aussi, parce que parler des métiers manuels pose aussi la question du genre, nous avons invité une charpentière, Lou Karoui des Ateliers Desmonts qui a pu animer un chantier en non-mixité avec les lycéennes de Jean Jaurès. La hache c’est pas forcément un truc de mascu !
Pendant deux semaines, l’esplanade Missak Manouchian résonne au son des haches qui tapent le bois à intervalles réguliers, un chantier sans bruit c’est le grand luxe. C’est aussi plus facile de discuter avec les passant.es qui viennent nous voir, intrigué.es par cette mise en scène bûcheronne au milieu de Montreuil. Matin et soir c’est le même ballet, les grumes entrent et sortent du lycée sur leurs plateaux à roulettes, les surveillant.es commencent à nous connaître et nous aident à nous frayer un passage aux heures d’affluence : « attention poussez-vous y’a un arbre qui arrive ».
A la fin, on se rend compte qu’ équarrir des grumes ça prends du temps. Travailler avec des outils à la main nous force à revoir nos objectifs et à sentir l’implication des corps : peu habitué.es à manier la hache, on ne tarde pas à voir des ampoules recouvrir nos paumes. On reviendra au mois de juin pour terminer le chantier et le montage des bancs, cette fois-ci avec le soleil on espère.
3/3 – Situation
>>> Mobilier pérenne mais installé en préfiguration avant le chantier
Après un énième trajet en camion direction le 93, nous terminons le chantier de la rue Pépin. Les grumes qui serviront à monter la charpente sont équarries, on s’attelle maintenant à positionner les grumes brutes dans l’espace du parvis. Elles serviront de support aux cadres en métal (préfabriqués dans notre atelier drômois) et au platelage des bancs. Après une session de montage des bancs multicolores, la charpente de la scène est levée lors de la fête de fin de chantier, organisée en partenariat avec le café la pêche ! En haut de la scène sont installées 4 girouettes dessinées par les lycéen.es et Clémence Mathieu, elles représentent l’univers de la forêt.
Le mobilier pérenne est installé de manière transitoire mais sera ré-installé de manière pérenne à la suite des travaux de rénovation de la rue Pépin. Le travail de co-conception avec les lycéen.nes a permis de choisir une série de plus petits éléments où il.elles peuvent être en autonomie en petit groupe plutôt qu’une grande installation. Le travail avec le café La Pêche a fait ressortir la volonté d’une scène pour organiser des évènements, ce qui permet à des petits groupes de s’installer. Nous avons aussi pris le temps de dessiner finement le projet de maîtrise d’œuvre pérenne avec l’agence TER sur la base de ces retours.
En attendant les travaux du Grand Chemin, les lycéen.nes et habitant.es profitent des bancs et les déplacent régulièrement pour organiser l’espace à leur guise.