Dans le cadre du programme Habiter autrement les centres-bourgs, le Collectif Etc a été missionné par le Parc naturel régional Livradois-Forez pour travailler sur la commune de Cunlhat, entre avril et mai 2013. La zone d’étude porte sur un des plus vieux îlots de la commune : l’îlot Saint Martin.

Nous avons souhaité construire un récit des lieux. Cette étude-action était avant tout l’occasion de porter un regard attentif aux qualités de l’habitat au sens large dans le quartier St-Martin. Un regard constructif et analytique sur les raisons du délaissement de l’îlot. Enfin, un regard optimiste, des pistes d’avenir, et de modifications possibles ou rêvées. Et si on tentait de retrouver une confiance collective dans l’avenir des centres-bourgs ?

Nous avons proposé deux approches parallèles. Une étude urbaine technique et concrète du foncier et la réalisation d’un court-métrage. Ces deux outils complémentaires ont pu mélanger leurs champs lexicaux pour se nourrir mutuellement : scénario, cadre, acteur, projection, montage, etc.

Tout au long de l’étude, nous avons tenu à jour un « carnet de brouillon« , nous y racontions un peu toutes nos aventures, nos rencontres…

Cunlhat est une commune de 1315 habitants. Le nom de la commune se prononce : [kɛ̃ja] « quin-ya ». Elle est réputée dans la région pour avoir accueilli pendant plus de 10 ans le plus grand rassemblement de Harley Davidson. C’est aussi la ville natale de Maurice Pialat, qui est revenu plusieurs fois y tourner des scènes.

Comme dans de nombreuses communes de cette taille, le centre a été peu à peu délaissé au profit des maisons situées sur le franges qui disposent de jardins et de plus d’ensoleillement. En plein cœur de ce centre ancien, l’îlot Saint-Martin est un excellent échantillon : peu de jardins, un bâti très dense, pas de places de parking, une grande partie des bâtiment sont vacants et les espaces publics sont délaissés.

 

 

 

Nous sommes logés au Collombier, un résidence d’artistes située en face de la mairie. De là-haut, on voit passer les gens.

Pour ces premiers jours de repérages, nous avons été accueillis chaleureusement pour une visite, un café, un verre et de belles histoires. A travers eux, la commune de Cunlhat semble riche et pleine d’initiatives et l’enquête sur l’îlot Saint-Martin s’annonce pleine d’intrigues. On découvre l’îlot et ses environs, on repère les espaces de respiration, les vues, les rayons de soleil : le décor est planté.

Suite à une présentation du maire, le collectif a présenté sa démarche aux curieux. Les représentants du Parc naturel régional Livradois-Forez avaient apporté une fameuse Fourme d’Ambert et de quoi alimenter les premières discussions. Merci pour l’accueil !

La première semaine de résidence avait pour objectif de proposer un diagnostic du bâti et des espaces publics. Il servira de base commune au développement des différents scénarios de transformation de l’îlot. Nous continuons de contacter les propriétaires un par un pour se faire une idée plus précise de l’état des bâtiment et des projets privés en cours.

 

Les fiches parcelles

Dans l’idée de proposer des transformations liées au réel potentiel de l’îlot, nous avons réalisé un diagnostic par parcelle. Chaque fiche récapitule les informations liées au propriétaire, à la parcelle et au bâti. (Dans un souci de confidentialité, nous avons flouté les informations). Les informations de base étaient :

BÂTI
Adresse :
Année de construction :
Élément remarquable :
Surface parcelle :
Surface bâtie :
Nombre de niveaux :
Etat du bâti :

PROPRIÉTAIRE
Nom :
Prénom :
Type de propriété :
Autres propriétés :
Date de naissance :
Adresse :
Contact :
Disponibilité :

UTILISATION
Histoire :
Description :
Utilisation :

Un schéma vient compléter ce contenu pour tenter de mettre en avant la “mutabilité » des parcelles : donnée que nous proposons de définir par une moyenne entre la dégradation du bâti, la vacance et la disponibilité de la parcelle.

 

Analyse cartographique

Une série de cartes ont été produites, regroupant l’ensemble des données traitées sur le bâti et sur les espaces publics. Ces cartes ont été présentées à la commune et aux représentants du Parc naturel régional pour un bilan de cette première semaine de résidence.

 

 

 

Au cours de notre deuxième semaine d’étude, nous avons formalisé et présenté les idées en cours pour l’avenir de l’îlot.

Par où commencer ? Est-ce qu’on cherche comment adapter et transformer l’existant pour le rapprocher de la demande ou est-ce la demande que nous tentons de faire évoluer ? Il semble incontournable de travailler sur le bâti, sur les espaces extérieurs, c’était l’objet de cette deuxième semaine de travail. Mais il semble impératif de se poser la question de l’accueil des nouveaux arrivants : comment les attirer à Cunlhat et comment leur permettre de se trouver une place dans la vie du bourg. L’étude tentera aussi de questionner les économies de projet, les montages, les types de travaux et d’acteurs à mobiliser.

Les documents visibles ci-dessous sont pensés avec trois niveaux de propositions :

– Des objectif à long terme. Il s’agit de fixer une vision à atteindre sur
la zone de réflexion concernée.
– Des actions préparatoires. Dispositifs/actions à mettre en œuvre à court terme facilement avec un faible budget afin d’entamer un pas vers l’objectif de long terme.
– Dès demain, dans le cadre du tournage, prototypage et mise en scène. Évènements réalisés lors de la prochaine phase de résidence afin de tester les propositions et de réaliser le court métrage.

Ces illustrations sont des documents de travail qui questionnent les envies et les potentiels de l’îlot étudié. La production de documents et d’images est une étape importante pour engager les discussions avec les différents acteurs en place. Ce ne sont en aucun cas des documents règlementaires ni des plans d’action à prendre comme tel.

Nous avons invité les cunlhatois à venir participer à une présentation de ces hypothèses au cours d’une réunion de travail à la mairie. Nous avons exposé l’ensemble des productions dans la mairie pour permettre à ceux qui n’osent pas toujours parler en public de venir découvrir nos travaux.

 

 

La phase d’étude est terminée, elle est allée vite et on aurait encore beaucoup d’idées à développer, mais il est temps de passer à la réalisation du film. Comment passer de ces documents, de ces projections à une histoire ? À un film qu’on aurait envie de voir et de partager ? C’est l’étape clef du passage de la réalité à la fiction.

Le scénario que nous avons choisi est basé sur un film canadien sorti en 2004 : La grande séduction. Nous avons adapté l’histoire à la question centrale de l’accueil des nouveaux habitants.

Synopsis

Un jeune français urbain a l’habitude de passer ses vacances d’été à Cunlhat. Un jour, à la terrasse d’un café, un habitant de Cunlhat surprend une conversation où le nouveau émet son désir d’acheter et de développer une activité dans le village. Dans leur quête pour sauver le centre-bourg qui s’essouffle, cet habitant et tout le village se mobilisent afin de séduire ce nouvel arrivant potentiel et mettent en scène des situations rocambolesques pour que celui-ci soit conquis. Les habitants ne se doutent pas que leurs actions vont transformer à jamais l’avenir de leur petit village auvergnat.

Nous avons choisi de mobiliser des « vrais » acteurs pour jouer les deux rôles principaux ! Arthur Dagallier, comédien invité sur toute la réalisation de ce projet, il jouera le rôle de MARTIN, et Sylvain Margarit, un comédien local de la compagnie Lazzi Serpolet Théâtre qui jouera MAURICE le propriétaire.

Un des objectifs du film était de montrer à travers les mises en scène que les choses peuvent changer simplement, et que la chose la plus facile à changer, c’est le regard. Le tournage devient le prétexte d’une transformation réelle, temporaire ou non, de l’environnement. Chacune de ces transformation est rattachée aux objectifs que nous avons fixé lors de la phase étude. Il s’agit de les tester grandeur nature avec les publics concernés.

On a pu mettre en scène les outils qui nous sont cher : des aménagements temporaires, de la végétalisation d’espaces minéraux, des activation collective d’espaces délaissés, ou des simples détournements d’usages.

 

Filmer à Cunlhat, c’était avant tout filmer la vie à Cunlhat et tenter d’en faire ressortir une vision optimiste. Et si ça pouvait donner envie à des gens de venir s’installer là-bas ? Nous nous sommes naturellement appuyé sur les dynamiques en place.

Toutes les ambiances sonores ont été captées à Cunlhat, les recette du film ont été élaborées sur place avec les produits du marché, les acteurs ont été croisés au hasard des rues… Ces petits détails reflètent une volonté de ne pas se déconnecter de la réalité et de considérer ce tournage comme un prétexte aux rencontres.

On se disait aussi qu’on pouvait réfléchir à une ambiance globale au film, une écriture “Cunlhat » qui donnerait une atmosphère et un ton à notre histoire. L’histoire, c’est un peu celle d’une bande d’habitants qui cherchent à faire l’éloge de leur quotidien, le montrer sous son beau jour pour convaincre Martin de venir s’y installer. Et puis Cunlhat, c’est une ville d’Auvergne aux toits rouges et aux façades chaleureuses. Et puis l’îlot Saint-Martin, c’est un labyrinthe à puits de lumières et à drôles de curiosités.

Alors on a un peu pensé à Jeunet, à ses films-peintures, et on a tenté quelques essais photographiques.

On a tenté quelques clin d’œil, des références à des films, vous reconnaitrez peut-être Le Garçu de Maurice Pialat, Mon oncle de Tati, ou alors Maman j’ai raté l’avion !

 

Le dernier samedi après-midi, aidés par la mairie de Cunlhat, nous avons fabriqué et accroché un écran, installé des chaises et fait chauffer le barbecue. Puis des gens sont venus avec leurs plats cuisinés, leurs gâteaux, leurs bouteilles, et on a partagé ce bon repas en parlant de tout ça. Évidemment, pour le dessert on pouvait venir gouter la glace à la fourme, recette originale ! A la tombée de la nuit, après un discours d’introduction du maire de Cunlhat, on a présenté un résumé de notre étude. On a pris le temps d’expliquer d’où venait cette idée de court-métrage, à quoi ça pouvait servir dans le cadre de cette étude.

Puis est venu le moment magique de projeter le film. S’en sont suivis des remerciements, une série de questions sur le film, sur les recettes et sur les suites possibles. Puis la soirée s’est prolongée au nouveau bar associatif de Cunlhat : l’Octopuss !

Au revoir Cunlhat.

 

Le film