Meccalupino c’est un chantier ouvert, qui s’est déroulé en juin 2019, sur les pentes du quartier de Lupino à Bastia. Imaginé comme un jeu de création et de construction à l’échelle du quartier, cette expérience a consisté à la conception puis à la construction collaboratives de trois œuvres praticables.
Meccalupino est le fruit du volet « participatif et artistique » d’une mission de maîtrise d’œuvre urbaine, pour l’aménagement d’un cheminement piéton, dont nous avons été partie prenante aux côtés de Safran Conceptions Urbaines, L’Adéus (L’Agence D’Études Urbaines & Sociales) et ICA (Ingénierie Corse Assistance).
1. Des œuvres praticables dans le maquis Corse
Une commande artistique
Initié par la Ville de Bastia, ce projet consiste à la création d’un cheminement piétonnier au cœur de Lupino, quartier échelonné dans les pentes du maquis corse. La commande repose sur la rénovation d’un tracé existant très dégradé – composé d’escaliers et de sentiers sauvages – et sur la création de nouvelles voies. À la construction de ce lien physique, l’appel d’offre intègre un volet « artistique » visant à l’installation d’œuvres d’art pour favoriser le lien social dans le quartier.
La préfiguration d’une transformation du quartier
Pour la Ville, l’enjeu était aussi d’amorcer son « Nouveau Projet de Renouvellement Urbain des Quartiers Sud », une requalification à l’échelle du quartier et ses alentours, et de commencer à mobiliser les habitant·e·s dans la démarche. Dans cette optique, les œuvres praticables sont de nature temporaires et ont vocation à tester, pendant quelques années, des équipements et des usages, qui pourraient être remis en jeu par la suite.
Pour élaborer ces projets en lien continu avec le quartier, la Ville a décidé de salarier une personne dans le cadre d’une MOUS (Maîtrise d’Œuvre Urbaine et Sociale), qui agit de pair avec la Maison des Quartiers Sud (un équipement municipal de proximité). Toutes deux ont constitué de précieux relais avec les partenaires et les participant·e·s du chantier Meccalupino.
Un groupement aux rôles complémentaires
L’agence Safran Conception Urbaine, a assuré la maîtrise d’œuvre du projet de cheminement en lien avec le bureau d’étude ICA. L’Adéus qui avait réalisé une mission antérieure de diagnostic sur le fonctionnement socio-urbain du quartier, s’est attachée à la mobilisation des habitant·e·s de Lupino dans toutes les étapes du projet. Quant à nous, nous avons accompagné le processus collaboratif pour fabriquer les œuvres d’art, auxquelles nous avons apporté une dimension « praticable ».
2. Des ateliers publics pour poser les bases du futur « parc-chemin »
Au printemps 2018, l’équipe de L’Adéus a animé des visites de terrain pour comprendre le fonctionnement du chemin existant et des ateliers de « prospective » pour identifier les besoins et les attentes des habitant·e·s. Elle a ensuite réalisé une restitution sous la forme d’une bande dessinée qui a été présentée publiquement et distribuée dans les boîtes aux lettres des logements du quartier.
Un « parc-chemin » avec deux vitesses de déplacement et des haltes.
Pour les participant·e·s des ateliers, le cheminement devait permettre une diversité de pratiques : se déplacer rapidement, se promener, mais aussi faire du sport, flâner, se poser avec ses voisins·e·s… Ces demandes ont amené l’idée d’un « parc-chemin », composé d’un double cheminement avec un axe court, plutôt sportif, combiné à un axe doux qui serpente le quartier en pente progressive. Et, aux intersections de l’axe court et de l’axe doux, trois haltes, sur lesquelles seraient installées les œuvres praticables.
3. Des haltes multi-usages au croisements des parcours
Mixer les usages
En septembre 2018, nous sommes retournés sur place pour présenter l’esquisse du projet sous la forme d’une balade commentée. Nous avons réalisé un tracé in situ, pour discuter des emplacements des chemins et des œuvres praticables.
Si la forme des œuvres praticables ne sera pas déterminée avant le chantier de co-construction, nous avons discuté des usages souhaités pour chacune d’entre elles. Les participant·e·s nous ont encouragé·e·s à croiser les usages : en bas, parcours ludique intégrant des assises pour les familles, et au-dessus, un salon extérieur et une tablée de quartier combinées avec des supports pour faire des exercices de mise en forme.
Conjuguer structures temporaires et aménagements pérennes
En préalable de l’implantation des œuvres praticables, nous avons fait réaliser des plateformes en sable stabilisé pour marquer les « haltes » et une trame de plots en béton pour ancrer les aménagements en hors-sol.
En superposant des structures temporaires sur une base d’aménagements pérennes, nous cherchons à permettre une réversibilité des formes dans le temps. Les œuvres pourront être consolidées et évoluer sur place. Mais si la ville décide de les démonter, les plateformes perdureront en tant que placettes et les plots béton pourront devenir de simples assises ou être réemployés ailleurs.
4. Le chantier ouvert : Meccalupino !
Nous voilà au mois de juin 2020, alors que les travaux du parc-chemin suivent leur cours, nous nous sommes établis à Lupino pour deux semaines de chantier ouvert, en compagnie de quelques voisin·e·s et de plusieurs groupes de jeunes mobilisés par les associations LEIA Bastia, OPRA et l’École Deuxième Chance Bastia.
Une conception en maquettes
En guise d’introduction, nous avons proposé un jeu de construction en maquettes. L’objectif était de préciser les formes des œuvres et de se doter de guides pour la construction. Trois équipes se sont attachées à chacune des structures, avec pour mêmes règles du jeu, la trame de fondations préétablie. Le principe de construction était simple : ossature en métal et remplissage en bois. Il devait prendre en considération des contraintes techniques : règles de sécurité, détails d’assemblage… et un kit de matériaux disponibles : tubes d’acier et jeu de connecteurs.
Après une journée d’élaboration, les groupes ont confrontés leurs propositions à leurs camarades, ainsi qu’aux commanditaires et partenaires du projet.
Le chantier de co-construction
Pendant les jours qui ont suivi, nous avons commencé la construction des œuvres, réparties sur les trois plateformes, les équipes du parcours ludique (dit le « croco »), de la grande tablée et du salon extérieur, ont érigé les structures tubulaires, faisant des aller-retours entre maquettes, modélisation 3D, et test à échelle réelle.
Le processus s’est poursuivi par le remplissage en bois des différentes ossatures, selon un même principe de terrasses platelées en bois et de toitures ajourées.
En parallèle, nous avons cherché à initier les plus petits à la démarche, en leur proposant des ateliers de découverte du paysage qui environne les plateformes. Ainsi, nous nous sommes baladés avec les enfants du centre de loisirs Calloni, pour identifier et collecter les feuilles des arbres et arbustes emblématiques du quartier – Cèdre de l’Atlas, Peuplier noir, Olivier d’Europe, Pin parasol, Robinier… – qui ont ensuite été compilés dans un herbier, réalisé selon la technique du cyanotype.
5. Le final
Après deux semaines bien remplies, nous avons fêté l’inauguration des trois haltes et la fin d’un chantier caniculaire en conviant les habitant·e·s à se réunir autour d’un banquet partagé.
Cette journée a aussi été l’occasion d’ouvrir des pistes de réflexions pour nommer les trois nouvelles haltes. Autour d’une carte du quartier, nous avons animé un atelier de toponymie, qui a permis de faire ressortir plusieurs propositions mettant à l’honneur la langue corse et les noms du paysage local !
Merci !
À la ville de Bastia et plus particulièrement à Isabelle Aubert, directrice du renouvellement urbain et de la cohésion sociale, et à son équipe.
À l’entreprise Batisud pour sa disponibilité et son appui tout au long du chantier.
À la Maison des quartier Suds et ses animateurs ; aux associations partenaires du projet : LEIA, OPRA et E2C, ainsi qu’à l’équipe du centre de loisirs Calloni.
À Catherine, voisine et amie de la Belle de Mai, qui s’est embarquée dans cette aventure à nos côtés.
Aux groupes de jeunes qui se sont mobilisés sur le chantier et aux voisin·e·s qui ont contribué à la démarche, en bravant la très forte chaleur.
Avec une mention toute particulière pour Jacky pour sa ténacité sur le chantier sans relâche et avec bonne humeur !