Lorsque les Ateliers Médicis, équipement culturel situé à Clichy-sous-bois (en seine-saint-denis, 93) nous ont invités à venir travailler sur leurs extérieurs, il y avait déjà eu de multiples interventions, notamment d’autres collectifs comme Bellastock et Ya+K. Plutôt que d’ajouter notre propre projet, nous leur avons proposé de prendre soin de l’existant et de réfléchir à une cohérence d’ensemble des aménagements extérieurs. Cela nous a conduit à déconstruire certaines installations vétustes et à proposer des plans de rénovation des structures existantes. Pour orner ces nouvelles installations frugales et souligner avec délicatesse cette matière brute et déjà usée, nous avons imaginé des girouettes et éléments d’accroche en métal galvanisé. Réalisé par un travail collaboratif de découpe de tôle au plasma avec certains habitués des lieux, ces girouettes apportent du détail et une identité singulière au site.
0/3 – Contexte
Le bâtiment des Ateliers Médicis est bordé au sud par une coulée verte qui traverse Clichy-sous-bois et permet de rejoindre la forêt de Bondy. Sous le gazon et le gravier, l’aqueduc enterré de la Dhuys alimente en eau l’est de Paris sur plus de 100 km. Cette perspective tout en longueur est utilisée comme promenade piétonne par les habitant.es de Clichy-Montfermeil : pour promener son chien, aller courir ou faire du vélo pour les plus jeunes. Les points de rassemblements sont régulièrement utilisés : durant notre présence sur place, on a vu l’espace se remplir à partir de 17h et jusque tard dans la nuit. Autant des ados que des groupes de papis se réunissent tous les soirs autour des tables un peu brinquebalantes. À chaque sortie d’école, des groupes d’enfants curieux sur des bolides à roulettes accourent sur le parvis. Les places de parking tout autour sont aussi investies, les voitures grandes ouvertes servant à la fois de banc et d’enceinte géantes. En bref, les espaces extérieurs des Ateliers Médicis sont des endroits fréquentés et plutôt vivants, spots de verdure au pied des tours d’immeuble.
Après être venu.es au printemps pour faire un relevé des structures existantes, de leur état et du matériel disponible nous avons pu dessiner de nouveaux aménagements en réemploi et imaginer des temps d’ateliers artistiques. Puis, juste avant le début de l’été et l’ouverture de la saison culturelle et artistique, nous avons posé nos outils et nos valises à Clichy-sous-bois pour un chantier de deux semaines.
1/3 – Matériau
>>> Déconstruire et utiliser l’existant plutôt qu’ajouter toujours plus
Après plusieurs années d’intervention dans l’espace public, nous avions envie de nous pencher sur la question de la maintenance dans l’espace public : comment réparer ce qui est abîmé ? comment prendre soin de ce qu’on construit, en tant qu’habitant.e, usager.e, architecte, technicien.ne ? comment penser la maintenance en amont ? La maintenance pose aussi des questions de démocratie, de droit à la ville, de communs : qui prend soin de la ville ? qui la répare ? Autant d’enjeux qui nous semblait important d’avoir en tête dans un contexte urbain comme celui de Clichy-Montfermeil.
Le chantier a démarré par un repérage et un tri des matériaux de réemploi. Nous avons sélectionné les plus beaux blocs de granit dispersés sur la Dhuys pour qu’ils servent d’ancrage aux installations futures : une longue table de banquet en bois qui traverse le parvis, un gradin pour la scène extérieure et des mange-debout devant la grande porte des ateliers. Une équipe s’est également occupée de démonter une plateforme et quelques bancs qui étaient trop abîmés afin de récupérer des grandes sections de bois, principalement du douglas. Après un tri et un nettoyage à la brosse minutieux, notre gisement de réemploi était fin prêt pour débuter la construction.
La mission bois s’est vite accompagnée d’une mission métal avec la confection des pieds de la table qui devaient vite partir à la galvanisation. Les petits visages aux extrémités des pieds serviront d’inspiration pour l’atelier de fabrication des girouettes et en plus bonus : les yeux sont faits pour accueillir les futures vis, smart ! Puis notre équipe s’est agrandie : deux jeunes de Clichy-sous-bois sont embauchés par les Ateliers Médicis pour nous accompagner pendant la mission. La construction de la grande table se poursuit : les montants sont assemblés avec les sections réemployées. Grâce à un gabarit de perçage fabriqué pour l’occasion, ça va vite et en quelques jours la structure prend forme. Le plus dur reste de décider où ira la grande table. Après plusieurs options envisagées, l’équipe des ateliers a tranché : la table viendra s’installer à cheval entre le parvis et la promenade de la Dhuys, créant un lien entre les deux espaces. Quelques galères de mise à niveau plus tard, on peut attaquer le platelage, en bois neuf cette fois-ci car on a épuisé la réserve de réemploi ! Les sections neuves sont les mêmes que les plus anciennes, venant créer une esthétique cohérente de la structure et mettant en valeur la différence d’âge et d’usage entre les deux matériaux.
2/3 – Process
>>> Découpes participatives de tôles acier pour des girouettes
Pour contraster avec l’esthétique simple du bois de réemploi, nous avons pensé à des girouettes qui tournent et captent le soleil en hauteur. Surtout, elles étaient le prétexte pour penser un protocole collectif de découpe de tôle au plasma. Cette technique assez simple a permis à chacun.e de réaliser sa propre girouette. Avec quelques jeunes du quartier et la participation d’Abdoulaye et Gédéon (de l’équipe des ateliers) on a commencé par faire des collages sur du papier en se basant sur une banque de formes prédécoupées: des nez, des bouches, des yeux, des oreilles… créant des formes originales et des visages tous plus bizarres les uns que les autres. Ces formes sont ensuite dessinées sur un gabarit en bois que l’on découpe à la scie sauteuse pour ensuite passer à l’étape la plus fun : le découpeur plasma.
Malgré quelques caprices électroniques on arrive à fabriquer une dizaine de girouettes, chacun.e y allant de plus belle dans l’originalité des créations. Une fois les formes découpées, on arrondit les bords à la meuleuse et on les perce pour qu’elles puissent être installées en haut des mâts. Les formes sont ensuite galvanisées pour s’accorder aux autres éléments métalliques et au contexte urbain environnant. Elles sont greffées à un système moyeu de vélo et installées en haut des mâts.
Le vent se lève : ça tourne !
3/3 – SITUATION
>>> Une grande table conviviale
Quand on n’est pas trop curieux, ce n’est pas toujours évident d’oser franchir la porte des Ateliers Médicis. Notre proposition offre la possibilité aux habitant.es du quartier de venir habiter son parvis, jour et nuit, et pourquoi pas donner envie de pousser la porte et découvrir la richesse de la programmation culturelle que proposent les Ateliers Médicis. Cette grande table permet aussi d’accueillir des groupes et des classes mais aussi à l’équipe des ateliers de manger à midi. Devant la porte du parvis, plusieurs mâts sont ancrés aux blocs de granit et accueillent des girouettes et des tablettes galvanisées, pour poser son verre pendant la guinguette des ateliers. Ces plus petits éléments de pierre offrent la possibilité de tendre des voiles d’ombrage ou des guirlandes et de se réunir à quelqu’un.es.