En Avril 2018, l’École Supérieure d’Art d’Annecy Alpes  a invité le Collectif Etc à venir réaliser un workshop de trois jours avec les promotions de première année.

Cet atelier intensif fut l’occasion d’investir le toit-terrasse, avec des structures légères faites de bois et de textile, du magnifique bâtiment d’André Wogenscky construit entre 1964 et 1974 sur les bords du lac d’Annecy. D’un point de vue pédagogique, ce fut l’opportunité de réfléchir à la possibilité d’une pratique matricielle du projet ou, pour le plus dire plus simplement, à la liberté que permet la règle dans le design et l’architecture. Un clin d’œil discret au « MoMo », surnom donné par Lucien Kroll au Mouvement Moderne qu’il haïssait pour son imposition de modèles figés.

L’École Nationale Supérieure d’Annecy Alpes

Il faut payer le prix d’une longue ascension le long de la rampe de béton brute voulue par l’architecte moderne, mais la vue sur les montagnes est splendide. L’appeler une « promenade architecturale » est peut-être un peu exagéré, mais il est vrai que les volumes intérieurs, le traitement du béton ou encore le choix des menuiseries de cette école révèle le savoir-faire de l’architecte André Wogenscky, disciple de Le Corbusier. Le bordel caractéristique des studios d’écoles d’art n’entame en rien le plaisir de traverser l’endroit pour déboucher, finalement, sur ce large toit-terrasse ouvert sur le paysage.

C’est ce toit accessible que nous allons investir. Les quelques mobiliers de bar en aluminium présents sur place n’ont rien d’extravagants et, bien que maniables et simples, ils ne permettent pas de profiter pleinement de l’endroit.

Trois jours intensifs : se rencontrer, dessiner et construire

Nous passons la première journée à discuter. C’est beaucoup, sur trois jours, mais il nous semble toujours nécessaire de consacrer un temps véritable à l’échange, à la rencontre et au mouvement des idées. Après une matinée de présentation du Collectif Etc, et bien que nous n’arrivions pas à empêcher quelques somnolences dans la salle, on s’attaque l’après-midi au travail de conception. Nous utilisons des méthodes avec lesquelles nous travaillons aussi sur nos propres projets : des temps courts de travail en petits groupes, alternés de présentations toutes aussi courtes en plénière, et ceci trois à quatre fois dans l’après-midi.

Le sujet est à peu près celui-ci : en tant que concepteur, comment puis-je proposer un projet ouvert ? Comment un autre concepteur, voire n’importe quel quidam, peut-il reprendre mon projet et le poursuivre ? Nous leur brossons à grands traits la « pratique matricielle de projet », dont un approfondissement académique est téléchargeable ici. Nous leur parlons aussi de grilles, de trames, de règles du jeu – et de l’intérêt de « l’ouverture » de la notion de projet, chère aux experts et auteurs des métiers de la conception.

Le workshop reprend dans son titre une expression de Lucien Kroll : le « MoMo », pour « mouvement moderne ». Le travail de cet architecte belge, que nous avions déjà exploré dans l’Appartement Témoin à Nantes ou à la Halles au Sucre de Dunkerque, pose un regard critique et constructif sur l’apport et les dérives du mouvement moderne en architecture, travaillant sur les notions d’appropriation collective ou d’incrémentalisme. C’est donc sous sa tutelle spirituelle que nous avons placé les réflexions de ce workshop.

On a peu de temps pour « s’ouvrir à l’autre » justement, et il faut malheureusement aller assez vite. À la fin de la journée, les groupes doivent repartir avec une idée relativement précise de ce qu’ils vont avoir à construire pendant les deux jours suivants.

Est-ce l’ambiance décontractée de la promo, de l’école ou finalement le matériau textile qui oriente le travail des étudiants vers des usages assez souples et « peinards », aux formes « molles » ? L’été arrive soudainement, et il surprend même quelques-uns des étudiants qui changeront de couleurs pendant l’atelier. En tout cas, le climat rend agréable le travail sur ce toit-terrasse, et appuie l’évidence de s’y installer plus confortablement.

Le sujet de l’exercice est un peu ambitieux pour une jeune promo dont une partie semble de toute façon a priori plus intéressée par la filière art que celle de design. Mais le plaisir d’être là-haut et de construire de ses propres mains, met tout le monde d’accord. Il faudra faire travailler de nuit la machine à coudre du sous-sol pour terminer à temps les ourlets nécessaires, mais nous arriverons à intégrer dans les temps les recherches textiles : transat, ombrière, parfois les deux à la fois, et même l’image d’une voile de bateau pour « susciter les liens imaginaires avec le lac tout près ».

On a finalement le temps d’un court debriefing en équipe avant d’entendre le BOUM BOUM d’une fête/braderie qui inaugure malgré elle les structures, rapidement investies par les étudiants.

Merci à Mathilde Sauzet-Mattei pour cette invitation.
Merci à Isabelle Handley, régisseuse, et toute l’équipe des ateliers de couture, sérigraphie et bois pour leur accueil.
Merci aux étudiants pour leur attention et leur énergie.
Merci à Léonard Contramestre pour les photos du dernier jour.