Sur une initiative du Collectif Etc et du Bureau de l’Envers, avec la collaboration du graphiste Pierre Tandille et la complicité de nombreux acteurs du quartiers, nous sommes intervenus sur la place Louise Michel, dans le quartier de Belsunce, à Marseille. C’est suite à divers rencontres que la question de cet espace non-qualifié nous est apparue, et que nous avons souhaité spontanément y réaliser un projet, du 3 au 8 Novembre 2014. Pas de budget, pas de commanditaire, simplement l’envie de soutenir des dynamiques habitantes et de fabriquer sous le soleil.

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1 / Une place qui n’en est pas une.

Officiellement, cette place n’en est pas une. Un immeuble bombardé durant la seconde Guerre Mondiale a laissé ce vide. Les techniciens l’appellent la place Fare/Petites Maries, en référence à deux rues s’y croisant, d’autres l’appellent la place des Chibanis : de nombreux hommes agés, principalement algériens, y flânent et y discutent. Depuis plus de 70 ans, cette place est en l’état, rafistolée de temps en temps lorsque les nids de poule deviennent dangereux. En 2012, un groupe d’habitants, porté par le CIQ et l’association des commerçants se mobilise pour prendre le problème à bras-le-corps. Le délaissé doit devenir une place. Suite à de nombreux débats, ils choisissent de lui donner le nom de Louise Michel, communarde décédée à quelques rues de là, ils apposent une plaque. En parallèle, ils créent un fond de dotation pour lancer les travaux avec les moyens du quartier, ils collectent des matériaux et des fonds. C’est à ce moment-là, en 2013,  que la SOLEAM annonce officiellement qu’il est prévu de construire sur la place un nouvel immeuble. L’architecte des bâtiments de France soutient apparemment le projet qui retrouverait le tracé ancestral du tissu urbain. Le collectif d’habitant s’y oppose, et demande l’organisation d’un référendum sur le devenir de cet espace. La ville accepte, et finalement, la volonté de conserver ce lieu ouvert et public l’emporte, le quartier étant déjà d’une grande densité. Néanmoins, les élans de réappropriation collective de cet espace on été freinés par cet épisode, d’autant plus que la SOLEAM a annoncé que la réhabilitation de la place débuterait rapidement. Pour patienter, la ville y a déposé quelques palmiers en pots, ambiance tropicale !

Louise Michel
En 1871, l’empereur Napoléon III perd la guerre contre l’Allemagne. Plutôt que de se rendre, les habitants de Paris se révoltent contre le gouvernement. Ils réussissent à prendre la ville aux mains de l’empereur et des allemands, et proclament son autonomie. « La commune » comme ils appellent cette ville autonome est autogérée ; c’est le peuple qui la dirige grâce à des moyens démocratiques. Louise Michel est l’une des grands figures qui mènent cette révolte. Elle participe à la prise de l’hôtel de ville, qui marque le début de la commune. C’est lors de cette révolte que les femmes, nombreuses à se battre pour la liberté du peuple créent l’un des premiers grands mouvements pour l’émancipation des femmes. La commune de Paris est rapidement soutenue par d’autres communes dans tout le pays. Les marseillais prennent l’hôtel de ville et la préfecture et font de Marseille une commune autonome. La commune de Paris dura deux mois et celle de Marseille deux semaines. Ce fut court, mais cette période a été très importante pour la poursuite de la démocratie et la lutte contre toutes les formes d’exploitation. A la chute de la commune, Louise Michel, est déportée en Nouvelle-Calédonie où elle se convertit à la pensée anarchiste. Elle revient en France en 1880 et très populaire, multiplie les manifestations et réunions en faveur des prolétaires. Elle reste surveillée par la police et est emprisonnée à plusieurs reprises. Mais poursuit inlassablement son militantisme politique dans toute la France. Louse Michel est née en 1830 d’une mère servante et d’un « père inconnu ». Elle est institutrice, écrivaine et s’engage dans des mouvements politiques qui prônent l’autonomie et s’opposent aux pouvoirs autoritaires. Elle meurt en 1905 à Marseille. 

Texte de Pierre Tandille, affiché sur cinq panneaux parsemés sur la place.

2 / Louise sous les Tropiques…

Le projet de la SOLEAM étant prévu pour la fin 2015, il existe une fenêtre temporelle, une occasion d’intervenir sur cet espace en attendant le lancement des travaux. Que cet espace puisse retrouver une forme d’aménité en attendant sa requalification. L’idée est de réaliser un aménagement transitoire, entièrement réversible, et travailler sur le potentiel onirique d’un tel lieu. Un imaginaire, un mélange de Louise Michel et d’ambiance tropicale, de questionnement de l’espace public et de chaleur humaine, d’acte politique et de recherche de plaisir. Le choix de l’emprise de notre intervention correspond principalement à deux envies : celles d’intervenir sur un « coin à pisse » de la place plutôt que sur la partie déjà quotidiennement utilisé ; et celle de s’installer là où les derniers rayons du soleil couchant d’hiver pourront nous réchauffer jusqu’à la tombée de la nuit.

Durant la semaine, trois tâches ont été réalisées en parallèle :
un travail de construction, que nous avons mené en deux temps : un premier, le lundi, qui a consisté à construire la structure porteuse, à l’image d’un contre-fort retenant le mur aveugle ; un deuxième temps, le reste de la semaine, qui a permis de construire différentes langues programmatiques entre chacun des contre-forts. Les règles étaient simple : chaque équipe constituée le matin même devait construire une bande dont les hauteurs, largeurs et système structurel étaient données, tandis que la longueur, le choix des matériaux et le programme étaient libres.
un travail graphique, piloté par Pierre Tandille, sur des formes colorées représentant le visage déstructuré de Louise Michel, de différentes couleurs et disposées sur la structure ; un lettrage en miroir, marquant « Louise », jouant sur une certaine familiarité ou proximité avec Louise Michel, et renforçant l’identité récente de cet espace public.
un travail de réflexion, à l’échelle du quartier, mené par le Bureau de l’Envers : des montages photographiques ont été réalisés, imprimés puis collés à travers le quartier dans différents espaces délaissés, afin de questionner ces lieux et donner à les voir différemment ; le Bureau de l’Envers a ensuite collé une partie de ce travail sur les trois panneaux d’affichage libre situés contre le mur, au milieu de la structure. Avec Pierre Tandille, ils vont continuer à questionner la place et le quartier en alimentant cet affichage tout au long des semaines qui suivent .

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Belsunce Tropical -Marseille - Louise Michel - Collectif Etc

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Belsunce Tropical - Louise Michel - Collectif Etc

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Tout au long de la semaine, différentes personnes ou structures ont pris part au projet, à des degrés divers : le CIQ et l’association des commerçants ; le Bazar de l’Hyper Centre ; le CCO Bernard Dubois -Velten, avec Laura, des animateurs et des minots ; l’Hôpital de Jour, son personnel et ses patients ; Tom et sa baronne ; Habitat Alternatif Social ; Aurélien Nadaud et ses interventions plastiques au gaffer noir, blanc et rouge ; Sophie, Julien et John, étudiants à l’École d’Art de Marseille ; Gwenaëlle et Gabriele ; Sylvain et Cédric ; Perrine et Nicolas de YesWeCamp ; le café Chez Mounir ; le Fennec ; SAFI ; Alexandre Malfait ; les chibanis du quartier et les autres…Nous les en remercions tous, et travaillons à des prolongements à cette première action.
Et pour lire l’article de MarsActu, c’est par ici.

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