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« Une résidence optimiste : le Collectif Etc à Châteldon »

By 03 février 2016mars 1st, 2017point de vue

Texte écrit par le Collectif Etc pour Espace rural & projet spatial volume 5. Cette publication parue en septembre 2015, fait suite au colloque « Explorer le territoire par le projet. L’ingénierie territoriale à l’épreuve des pratiques de conception » qui s’est tenu du 13 au 15 novembre 2012 à Clermont-Ferrand organisé par l’École nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand et AgroParisTech Clermont-Ferrand.

Châteldon est un village de 780 habitants situé au nord du Parc Livradois-Forez, entre Thiers et Vichy. Le bourg historique s’est développé en fond de vallée, au pied d’un château en promontoire. Nous avions à travailler sur un des deux faubourgs du village, l’Ollière, caractérisé par un bâti ancien, modeste, souvent très dégradé, et par un taux de vacance très important (plus de 20 %).
Dans notre réponse à l’appel à projets « Habiter autrement les centres-bourgs 1 », nous avons voulu défendre une approche optimiste des centres-bourgs ruraux, et de celui de Châteldon en particulier. Nous avons profité de l’objectif donné par la commande de « l’émergence de solutions innovantes pour redynamiser les centres-bourgs »[1], et nous avons ainsi proposé de nous appuyer, non pas sur des recettes toutes faites de l’aménagement, mais sur les ressources humaines locales et les idées de ces « experts d’usages » que sont les habitants et acteurs locaux. Notre rôle peut ainsi être défini comme celui d’accompagnateur de projets. Les solutions et idées locales pour les centres-bourgs existent : nous en étions persuadés a priori, l’étude nous l’a confirmé.

Nous avons commencé par nous installer dans la commune pour y travailler, y vivre et tenir un lieu ouvert à tous. Nous nous sommes immergés dans la vie quotidienne, au plus près des acteurs locaux, pour instaurer un dialogue régulier. Nous avons donc voulu habiter autrement, pour en fait habiter comme les autres. La mairie a mis à notre disposition une maison vacante du centre-bourg (un ancien café-restaurant) qui disposait d’un rez-de-chaussée ouvert sur la place principale et de pièces de vie dans les étages. En écho à une « tradition » châteldonnaise que nous avions vite découverte, nous avons joué de l’acrostiche et baptisé ce lieu : Projets pour l’Ollière et idées locales : nous étions au POIL.

Le POIL a été à la fois un lieu de travail pour nous et nos invités, un lieu d’accueil et de rencontre, un lieu d’exposition de l’avancement de notre travail, et un lieu de vie pour le collectif et ses visiteurs.
Pendant un peu plus d’un mois, nous sommes partis – sans a priori ni idées préconçues – à la rencontre de tous les acteurs du centre-bourg : des voisins et habitants, bien sûr, mais aussi des visiteurs, des travailleurs, des agents immobiliers, des sociologues, des touristes, des randonneurs, des indépendants, des retraités, grands ou petits, désabusés ou enthousiastes… Enclencher discussions et réflexions, noter, lister, enregistrer, compiler les idées et les propositions de chacun. Nous avons appelé cette étape la « récolte ».
C’est à partir de cette matière récoltée, que nous avons ensuite travaillé, selon un phasage défini dès l’appel d’offres, organisant une alternance entre temps d’action/prototypage, et temps de production/synthèses.

Prototypages

Loin des monologues entre « professionnels de la profession », le prototypage – projet-test à l’échelle 1 pour appréhender la réactivité des forces locales – est un vecteur de communication différent des rendus d’études, plus concret et donc potentiellement plus appréhendable par les différents acteurs locaux.
Ces « mises en action » ont été très variées tout au long de l’étude : marché-test, aménagement de petits espaces publics et construction de mobilier en chantier ouvert en collaboration avec les services techniques communaux, ballade commentée et recensement agricole, journée de conseil aux particuliers pour les projets de réhabilitation de maisons de l’Ollière…
La semaine d’activation (novembre 2012) a été notre premier temps fort, développant l’implication active des habitants et ce principe de prototypage. Le thème était posé : « la semaine des projets prêts-à-porter ». Partant du principe que chacun porte en lui son histoire, ses envies (… et ses projets !) nous souhaitions que chaque visiteur se mette dans la peau d’un porteur de projet potentiel, car la redynamisation du centrebourg ne pourra se faire sans l’implication de chacun. Une exposition dans nos locaux présentait l’ensemble des projets issus de la récolte, autour de la thématique du projet prêt-à-porter.
Pendant cette même semaine, au travers de journées étude-action, nous avons pu explorer des thématiques spécifiques et approfondir ou tester une sélection de projets. C’est dans ce cadre par exemple que nous avons proposé une journée autour du commerce en centre-bourg, issue de nos discussions avec les habitants. Nous avions en effet constaté une envie commune à tous sans qu’ils osent jamais vraiment l’espérer : la venue d’un marché à Châteldon.

Notre premier marché était modeste (6 exposants) mais se voulait surtout pédagogique et exploratoire : est-ce possible et raisonnable d’installer un marché à Châteldon ? L’ensemble de la journée était l’occasion de faire parler chacun « devant l’action accomplie ». Nous avons également organisé une table ronde regroupant les commerçants du village, des professionnels de parc (agriculture, développement économique…) et des habitants intéressés. À l’issue de cette journée, une association des commerçants s’est montée, dans l’idée de se soutenir mutuellement, d’aider à de nouvelles installations, et d’organiser des animations telles que des marchés de saisons…

Synthèses

Sur les sept mois de résidence, les temps d’action ont été ponctués de temps de synthèse, nous permettant de faire des retours critiques et prospectifs sur les actions et chantiers menés, de formuler et rendre visibles les volontés et envies de chacun, et de compiler nos expériences en vue de la transmission de l’étude. Par exemple entre la « récolte » et la semaine d’activation des projets prêts-à-porter, nous avions consacré une semaine à recouper, à compiler, à croiser, à synthétiser l’ensemble des idées et envies récoltées au sein de fiches-projets qui étaient exposées pendant la semaine d’activation et qui restent à la disposition de la mairie et des habitants.

De la même manière, dans la deuxième phase de la résidence, des « dossiers stratégiques » sur les thèmes qui sont apparus majeurs au fur et à mesure de l’étude (espace public, foncier, services et commerces, tourisme, bâti et compléments d’habitat) ont été construits à partir des analyses des acteurs locaux, des expériences et exemples remarquables, de nos actions-tests, et d’une analyse des freins et leviers inhérents à chaque problématique. Ces dossiers proposent des scénarios d’action illustrant la mise en marche de ces « stratégies », à partir des pistes de projets et d’outils développés, où tout un chacun doit pouvoir trouver sa place en tant qu’individu.
Croire en la force des ressources du territoire, matérielles mais surtout des ressources humaines et intellectuelles, est pour nous un levier essentiel d’une redynamisation des centres-bourgs : la prise en main de chacun sur son espace de vie. Donner confiance et faire prendre conscience à chacun que c’est par leurs actions, modestes et quotidiennes, que se transformera l’espace commun.
À Châteldon comme ailleurs dans les bourgs, la commune n’a que peu de moyens techniques et financiers, et l’espace public ne représente plus aujourd’hui qu’une proportion mineure des espaces de vie et des interactions sociales. L’implication de tous est donc incontournable – non seulement pour des raisons théoriques ou démocratiques – mais de manière très pragmatique : accompagner et encourager les projets individuels ou collectifs est un premier pas pour inverser la tendance qui immobilise les centresbourgs. Pour qu’un projet aboutisse, à Châteldon comme ailleurs, l’implication habitante n’est donc pas un voeu pieux, c’est une nécessité, la seule alternative pour faire éclore un projet commun.

Collectif-Etc-ERPS-int

[1] Ce programme a été porté par le PNR Livradois-Forez et le conseil général du Puy-de-Dôme entre 2011
et 2013. Il est lauréat d’un appel à projets de la Datar (Comité de massif – Massif central) « à l’attention
des départements et leurs territories souhaitant construire une offre d’accueil qualifiée ». Six communes
y ont participé : Courpière, Châteldon, Cunlhat, La Monnerie-le-Montel, Saint-Dier-d’Auvergne et Saint-
Germain-l’Herm. Il a bénéficié du soutien financier de l’Europe (Leader), de l’État, de la région Auvergne,
du département du Puy-de-Dôme, du PNR Livradois-Forez et des six communes.

One Comment

  • Lemonnier Nadine dit :

    Projet très intéressant car il s’est donné la capacité de vivre au milieu d’une cité pour mieux en comprendre sa réalité . Base incontournable pour faire émerger les potentiels existants de toute nature, les prendre en compte, les communiquer à tous les acteurs . C’est un moyen d’aider pour recenser les besoins , les projets et les faire connaître . Cette démarche accompagnante permet de structurer et d’encourager les initiatives, cela va dans le sens du partage des savoirs pour un mieux vivre ensemble. Je vous encourage à développer ses pratiques , votre écoute permettra à chaque acteur d’apporter une pierre à l’édifice d’une construction de projet collectif, de les voir aboutir dans le respect et la communication. C’est fondamental de faire avec les acteurs du terrain et de ne plus agir à leur place.